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Légendes

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La Wrac’h : Texte de Guy le Nair, illustrations du peintre Patrick Serc et du graveur  Jean-Pierre Blaise 

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La Wrac’h semble être l’illustration toponymique d’une spiritualité vivante qui a vu s’implanter le christianisme sur un substrat culturel celtique traditionnel.L’histoire témoigne, depuis une période très reculée, de l’attachement des habitants de la péninsule armoricaine à une spiritualité inscrite dans le paysage. Les Celtes et leurs descendants établirent bien souvent leurs lieux de culte, sur les lieux sacrés des populations qui les avaient précédés. Sur l’ensemble de l’aire de la koïnè celtique, les divinités se sont succédées, mais les lieux de culte inscrits dans le paysage sont restés le point d’ancrage de la spiritualité des populations locales, à travers les pratiques néolithiques, gauloises, gallo-romaines puis chrétiennes.

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La fée des eaux et de l’amour, maîtresse des métamorphoses, est représentée dans la statuaire des ouvrages chrétiens, sculptée par les imagiers du Moyen Âge, sous la forme d’un buste de femme se terminant par une queue de poisson ou d’anguille. Qu’on la désigne sous le nom de Viviane, de Morgane ou encore par une gwrac’h, vieille femme devenue localement la Wrac’h, elle porte l’empreinte d’Ana, l’antique déesse mère. Après avoir perdu son statut de déesse, elle devint fée au Moyen âge, avant d’être diabolisée en sorcière par les missionnaires du christianisme au cours de la seconde partie du deuxième millénaire. Au moment de la mutation, de nombreuses constructions chrétiennes ont été élevées sur les lieux d’anciens cultes celtiques. Les menhirs du Néolithique acculturés par les Celtes, qui n’ont pas été abattus, ont été surmontés ou gravés de croix chrétiennes. Les sources ont été habillées de granit taillé, pour abriter de nouveaux saints patrons, auxquels ont été attribuées leurs réputations curatives.

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Cernée, muselée, discréditée, la Wrac’h semble cependant toujours imprégner l’esprit des lieux. Elle continue à dérouler majestueusement son corps de serpente dans un paysage empreint de spiritualité, accordant sa respiration au rythme des marées.

Le souvenir de la vieille femme est inscrit dans l’expression bretonne « gwrac’h an diaoul » vieille femme du diable, expression qui traduit la diabolisation de la tradition d’avant la christianisation. Cette tradition reste cependant inscrite dans le calendrier breton par une mention particulière « Noz ar Wrac’h », la nuit de la vieille femme. Cette nuit précède « Gouel Brec’hed », la fête de Brigitte et « Deiz ar Goulou », le jour de la lumière, le 1er février période de l’ancienne fête d’Imbolc, (Emwalc’h en Breton). A la fin de la ténèbre hivernale, cette fête célébrait la lumière du jeune soleil, le réveil annoncé de la nature. C’était la fête de l’eau dont les sources accordaient leurs bienfaits, la fête des rivières perçues comme fruits de l’alliance du ciel et de la terre dans une œuvre dispensatrice de vie. C’était surtout la fête de Brigitt ou Brigantia, symbole de fécondité, l’aspect céleste d’Ana la déesse mère.

Patrick Serc 2015

Patrick Serc 2015

Discrète, la Wrac’h a maintenu sa présence sur la spirale du temps, par quelques mentions anodines dans la toponymie, dont la compréhension nécessite quelques clés, des histoires de Bonnes Femmes, des histoires à dormir debout qui racontent un monde de merveilles.

Le souvenir de la Vieille Femme sommeille sous la bonne garde de Sainte Marguerite, de Saint Antoine et de Saint Pol, autour des chapelles et des très nombreuses croix de granit établies sur les rives et les hauteurs qui bordent le cours de la rivière, depuis l’estuaire et le phare de l’Île Wrac’h qui en balise l’entrée, jusqu’à Tremaouézan, très loin à l’intérieur des terres. Les monuments religieux dédiés à Sainte Anne et à la Vierge Marie, jalonnent le cour de la rivière, à commencer par l’Eglise Notre Dame en Lilia.